Textes à 6 mains

Textes écrits lors de la séquence « textes à 6 mains » des ateliers d’écriture de l’école-chercheur Micmo

Je quittais la cour bruyante de mes grands-parents

Je quittais la cour bruyante de mes grands-parents, accompagné par les aboiements des chiens impatients d’aller à la promenade.
Une fois la grille ouverte, il fallait traverser la rue. S’ouvrait alors la falaise, haute pourtant d’à peine 5m, taillée dans les lœss. Une aventure pour un garçon de 5 ans.
Après avoir escaladé l’obstacle, se dévoilaient à moi les champs, ce grand espace de liberté balayé par les vents qui faisaient danser l’herbe. Nous pouvions lâcher les chiens.
Je longeais la clôture des pâtures des vaches, puis des chevaux, en inventoriant les cartouches de chasse que les chasseurs avaient laissées, et qu’avec mon oncle nous avions récolté pour les attacher aux barbelés durant nos aventures précédentes. Autant de balises rassurantes.
Une caresse sur le nez des chevaux puis arrivait la lisière du bois. Un bois en pente, près du mur des bonne-sœurs, rythmé par les terriers de lapins et de renards.
Encore quelques mètres et nous parvenions au Graal. Quelques dizaines de mètres carrés de prairie dans laquelle subsistaient, encore, les trésors que nous étions venus chercher : des tremblotes (Briza media).

Et donc, j’étais là, ligoté sur un autel d’encyclopédies périmées, à deux doigts d’être sacrifié aux forces du mal par une secte d’infâmes bibliothécaires… 

Et donc, j’étais là, ligoté sur un autel d’encyclopédies périmées, à deux doigts d’être sacrifié aux forces du mal par une secte d’infâmes bibliothécaires… Comment ai-je pu en arriver là ? Pourquoi tant de haine ? J’essaie de leur dire que ce n’est pas de ma faute s’il y a une tâche de terre sur mon livre, promis je le nettoierai. Que quelqu’un vienne à mon aide ! Soudain, traversant la fenêtre, Spiderman entre dans la pièce…

Pourquoi lui ? Pourquoi maintenant ? Sont-ce les bibliothécaires qui l’envoient ? Quoi ? Ils savent déjà ? Mon front perle, mes poils se hérissent, ma bouche est pâteuse. Je m’enfonce profondément dans ma chaise. Je pose la main discrètement sur la tâche. Peut-être n’y verra-t-il que du feu ? Je repère une forme singulière et familière qui dépasse de son justaucorps…

Une forme allongée, à l’embout saillant, dont l’extrémité luisante fait immédiatement resurgir en moi des souvenirs enfouis. Cet objet avec lequel les garçons de ma classe adoraient jouer… Mais oui, bien-sûr, un effaceur d’encre ! Brave Spiderman ! Je mesure les efforts qu’il a dû fournir pour grimper jusqu’ici au 4ème étage de la bibliothèque universitaire pour m’apporter cet outil de dernier recours pour effacer cette maudite tâche sur la couverture. Hélas ! Les muscles extraordinaires de mon sauveur et le jus d’araignée n’ont visiblement pas été suffisants. Comment expliquer à ce pauvre Peter encore plein d’espoir et de naïveté qu’une tâche d’oxydes de manganèse fixée par une argile bien grasse se moque bien du bisulfite de sodium dont regorge l’effaceur ? Il est vrai que Peter n’a jamais fait partie des étudiants les plus attentifs à mes cours de biogéochimie des sols. Si au moins il avait pu être présent pendant la sortie terrain et éviter que ce beau référentiel pédologique se souille dans la fosse… J’en veux finalement plus à cet imbécile qu’à ces infâmes bibliothécaires. Au moins eux se soucient-ils du travail bien fait. Dépité, je tends le cou sans état d’âme à la documentaliste qui s’apprête à m’égorger.

Il en fallait de la méthode. Beaucoup de méthode. Mais aussi de l’imagination.

Il fallait de la méthode. Beaucoup de méthode. Mais aussi de l’imagination.

Tous les lundis, Paul avait rédaction de français « Racontez votre dimanche ». Mais, Paul, accroché à sa console de jeux, n’avait rien à raconter. Sauf ce dimanche-là, sa mère se coupa le doigt en tranchant le rôti. Il y avait du sang partout sur la nappe. C’était dégoutant.

Le lendemain, il raconta dans sa rédaction la mésaventure de sa mère et il eut une bonne note.

… Voilà, il fallait qu’il se passe quelque chose le dimanche pour avoir une idée de rédaction. Toute la semaine, il réfléchit donc à ce qui pourrait bien se passer le dimanche suivant. Et, le dimanche suivant, comme à l‘accoutumée, le rituel repas familial. Malheureusement, ce dernier se déroula dans le calme et d’une façon on ne peut plus lisse. Paul retourna dans sa chambre et passa l’après-midi scotché à sa console de jeux.

En début de soirée, Paul entendit la voie de sa mère lui demandant de venir diner. Il prit la direction du salon et tomba dans les escaliers. Ses parents se précipitèrent et par chance, il n’avait rien. Tout le monde fût rassuré mais Paul était bien embêté Il n’avait toujours rien à raconter qui lui aurait valu une bonne note en français.

Il implora sa mère d’allumer des bougies, l’ambiance de la soirée serait plus sympa. Alors, que ses parents prétextaient qu’il n’y avait pas le temps pour cette extravagance : panne de courant. Les dieux étaient avec lui. On alluma donc des bougies. Sa mère partit s’occuper du rôti et, son père du compteur électrique. Paul fit tomber sa chandelle sur la table et le feu commença à prendre sur la nappe. Paul cria tout de suite, mais le temps que ses parents arrivent, le feu s’était propagé aux rideaux. Son père n’arriva pas à dégoupiller l’extincteur et se maudit de ne pas avoir eu le temps de le faire réviser.

La famille se retrouva sur la pelouse à regarder impuissante se consumer la maison et attendre l’arrivée des pompiers. Seul Paul esquissait un petit sourire…une rédaction comme celle-là allait lui rapporter au moins 15…20/20 
Mais, qu’est ce qu’il allait bien pouvoir trouver pour le prochain week-end ?

Il en fallait de la méthode. Beaucoup de méthodes. Texte 2

Il en fallait de la méthode. Beaucoup de méthode.

Natacha s’était appliquée jusque là à étoffer la discussion avec les rares arguments encore censés que son état de fatigue le lui permettait de concevoir.

Trois semaines entières, recroquevillée sur cet article et, elle n’avait accouché que de trois nouveaux paragraphes obscurs et faméliques. En relisant une nouvelle fois le manuscrit, Il était clair que la section « Méthodes » était vraiment sous dimensionnée. Une quinzaine de lignes, à tout casser, non, c’était vraiment trop peu pour atteindre l’objectif des 6000 mots que son impénétrable directeur de thèse lui avait demandés. Natacha pouvait compter sans aucun doute sur l’explication de tous ces acronymes : qPCR, DNA-SIP, 16S, et j’en passe pour gonfler un peu la « Méthode » et rééquilibrer son monstre. Et, peut-être rajouter une description exhaustive du site d’origine de ces boues de station d’épuration, le détail de bioprocédés et les coordonnées GPS de l’installation. 

Soudain, une idée lumineuse réveilla son esprit. Natacha se souvient d’une présentation d’un collègue de licence, il y un mois : l’utilisation des microorganismes pour la bioremédiation de l’environnement. Avec cette idée, une lumière s’allume dans cet obscur endroit…Il n’y aurait pas besoin d’écrire « la Méthode » pour cet article si elle quittait la thèse pour créer une start-up. Elle se redressait dans sa chaise et elle tapait « comment créer ta propre start-up ». Après une heure de recherche, elles se rendit compte qu’une start-up serait encore pus difficile que ces « méthodes » et, vaincue elle est retournée au document word où son article l’attentait.


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